Réveil de la réalité

L’allée s’étire droit devant
La perspective s’enfonce
Dans les brumes pâles
D’un matin d’hiver
Des bras squelettiques
Qui demandent à voir
Où se trouvent les cieux
Se dressent comme
Les pointes des épées
Des pas fantômes
Traînent sur le sol
Las de porter leurs corps
Les âmes fatiguées
Ouvrent des portes
Où se mêlent les temps
L’on devine aussi
Des voix enrobées
Retirées dans des chambres invisibles
Ne laissant passer
Qu’une poussive question
Qui êtes-vous ?
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Le corps répondant

Une fin de nuit
Dans une aube sans oiseaux
Où l’esprit est retiré du temps
Où l’attente du jour est une cérémonie
Revenir de ces heures d’absence
Comme on revient d’un voyage pénible
Les yeux rôdent dans le noir
Comme pour garder en mémoire
Un pays qui donne à voir
L’autre bout de la pensée
Qui s’installe tantôt dans le cœur
Tantôt dans le corps répondant

Le poison

Les jours noirs de nuit
Les derniers
Pleins et douloureux
Font grand bruit
De même que
Le son grave des horloges
Au fond des sommeils artificiels
Dans les chaussées luisantes de pluie
Se reflètent les délices perdus
Le regard s’interroge
Ai-je bu tant de poison ?
Mon ombre s’affole
Et me dit
Faut-il toujours creuser l’hiver
Pour entrevoir un filet de lumière

Storm

Va ! Prie les princes savants
Que de ta bouche
Sortent des vers embaumés
Inaudibles dans la barrière du vent
Va ! Écoute l’air triomphant
Venant des plaines
De la gorge des princes
Va ! Pâlis sur la terre
Comme le marbre sur ta tombe
Tes veines chargées de plomb
Jalousent le chêne centenaire
Va ! Danse dans le ciel
Grisée de liqueur parfumée
Ton âme n’entend pas
Le tonnerre précédant
Les poignards assassins
Vois ! Les foules prises d’assaut
Plongées dans les ténèbres
Ne font pas la forêt

Miroir

Brindille qui tremble
De la tête aux pieds
Je n’use de rien
D’aucune matière
Pour paraître tissée
De toile mal ajustée
Dans l’enfant mourante
D’une ville aux rues
Noires et chantantes
Je devine l’ombre grimpante
Des soupirs d’ennui
Et de solitude camouflée
La perfection se dessine
Dans la pupille ronde
Claire de bleu
Et la mélancolie fraîche du tilleul
Condamnée dans d’autre temps
M’enveloppe jusqu’aux restes
De galops enfantins
J’attendais demain
Hier est arrivé

Fondu au noir

Partir avec la nuit
Avant l’heure
Du premier tour d’harmonie
Avant que les plaines
Ne se parent de la couronne
Aux mille feux
Avant que se taisent les chants nocturnes
Chemin tout tracé
De la graine au grain de sable
Sur la pointe des pieds
Glisser pour ne pas s’éveiller
Embrasser les formes délicates
Sans saillies où se blesser
Partir avec la nuit
Avant les premiers aboiements
Le premier dépôt de rosée
Respirer ce qu’il faut
Pour ne pas soustraire
Son âme au noir